Mieux vaut ne pas calculer ses probabilités de réussite lorsqu’on veut créer une entreprise. Neuf tentatives sur dix se solderaient en effet par un échec dans les deux ans. Le cofondateur de LinkedIn, Reid Hoffman, estime, lui, que c’est comme sauter d’une falaise en espérant bricoler un avion pendant la chute… Bref, si vous êtes un individu rationnel, tempéré et prudent, il y a peu de chances que vous vous lanciez dans une telle aventure. Et pourtant le succès peut être au rendez-vous.

De jeunes entrepreneurs ont renoncé à des carrières toutes tracées pour créer des sites Web innovants et des applications mobiles désormais incontournables. Des vidéastes amateurs ont consacré des heures à se filmer dans leur chambre, avant de devenir des stars, voire des millionnaires. Il est à la fois difficile de leur donner tort au vu des résultats – rappelez-vous le slogan de la Française des jeux “100% des gagnants ont tenté leur chance” – et légitime d’affirmer qu’ils ont pris de sacrés risques.

Les ennemis de l’audace

“Que de choses il faut ignorer pour agir”, résumait, en une belle formule, le poète et philosophe Paul Valéry dans son cahier d’impressions et d’idées, Choses tues. Cela ne veut pas dire qu’il faut être ignorant ou stupide pour se lancer, mais que, parfois, la pensée peut freiner l’audace et l’action. Paul Valéry nous invite à nous méfier des théoriciens qui réfléchissent trop. Il loue, à l’inverse, les plus audacieux, qui trouveront peut-être après coup une justification rationnelle à leurs actes.

Il ne s’agit évidemment pas de faire n’importe quoi : la réflexion peut nous aider à peser le pour et le contre d’une décision. Mais, lorsqu’on est porté par une envie ou une idée, le risque consiste à trop s’appesantir sur les éléments négatifs. “Je ne vois point d’autre mesure d’une connaissance que la puissance réelle qu’elle confère, renchérit Paul Valéry dans L’Homme et la coquille (1937). Je ne sais que ce que je sais faire.” Autrement dit, seules les idées qui nous poussent à agir vaudraient la peine que l’on s’y attarde. Notre mérite ne réside donc pas dans la réussite du projet mais plutôt dans le fait d’avoir tenté le coup.

 

En vidéo : Jérôme Barthélémy, Professeur de stratégie et management à l’ESSEC  : « Sachez tirer profit des échecs intelligents » à visionner sur https://www.capital.fr/votre-carriere/pour-lancer-un-projet-ne-pensez-pas-aux-risques-1292320