Une interview menée par Pauline Capmas-Delarue de la rédaction de Widoobiz, parue sur Forbes.fr le 14/06/18

Victoria Benhaim a fondé Liva en 2014, dès sa sortie d’école de commerce. Mais alors que l’entreprise est en pleine croissance, tout s’arrête. En cause ? Un conflit d’associés. Si la jeune femme aurait pu abandonner là sa casquette d’entrepreneur, elle a pris le parti de rebondir en fondant i-lunch, une jeune pousse déjà pleine de promesses, repérée au CES.

 

Pauline Capmas-Delarue : Qu’est-ce qui vous a poussé vers l’entrepreneuriat ? Une idée ? Une vocation ?

Victoria Benhaim : On a toujours dit de moi que je créerais une entreprise. Mais je ne pensais pas le faire si vite. J’imaginais faire du marketing ou de la com’ dans une boîte en sortant de l’école, sans même penser que j’avais les compétences pour créer la mienne. Entre temps, j’ai eu l’idée de Liva et j’ai voulu la développer. Tout le monde m’a encouragée et, étape par étape, je suis devenue entrepreneuse, sans vraiment m’en rendre compte.

(…)

P.C-D : L’aventure Liva s’est arrêtée, alors que l’entreprise connaissait un succès grandissant. Que s’est-il passé ?

V.B : Je m’étais associée à la mauvaise personne… Une « association mortelle », en quelque sorte ! Il s’agissait de mon ancien employeur, une personne beaucoup plus âgée et qui m’avait accompagnée au démarrage. Mais dès lors qu’il y a beaucoup d’argent en jeu, les relations conflictuelles entre associés commencent à apparaître. Nous étions en train de boucler une grosse levée de fonds lorsque des premiers désaccords : une histoire de dilution qu’il n’a pas acceptée, et un problème de négociations avec les investisseurs. En l’absence de terrain d’entente, on a été obligé de liquider la start-up, alors même que cette dernière allait bien. Nous venions d’embaucher nos premiers salariés, de finaliser un poke avec des assureurs, et on envisageait de se lancer outre-Atlantique…

P.C-D : Vous avez rebondi en créant i-lunch. Vous ne vous voyiez pas retourner dans une entreprise en tant que salariée ?

V.B : À la suite de cet échec, je me suis posé beaucoup de questions. J’ai regardé des offres d’emploi, mais après être allée si loin dans l’entrepreneuriat, revenir au salariat était impensable. Soit je faisais un tour du monde, soit je recréais une boîte ! Entreprendre c’est ce qui me donne envie de me lever tous les matins, car chaque jour est une aventure. Pourtant, cela demande beaucoup de sacrifices et énormément de temps. On ne fait pas ça pour l’argent en général, il faut vraiment quelque chose qui nous anime derrière. Pour moi, c’était d’améliorer la vie des gens. Le concept d’i-lunch me trottait dans la tête depuis plusieurs mois déjà, et j’ai rapidement eu des opportunités pour le développer. Je me suis accordé un week-end pour me décider.

(…)

P.C-D : Sans votre précédente expérience, i-lunch connaîtrait-elle le même succès ?

V.B : J’ai fait toutes les erreurs possibles et imaginable en dirigeant Liva – et je ne parle pas que de mon association. J’ai l’impression que l’échec est un passage obligé pour un entrepreneur. Celui-ci m’a permis de repartir sur de meilleures bases : je connaissais les aides proposées par Bpifrance, les possibilités d’accompagnement (notamment par le Réseau Entreprendre). J’ai aussi tout de suite vu qu’il n’y avait pas d’avenir pour i-lunch en B2C. Je suis donc directement partie sur un modèle B2B, afin d’atteindre un modèle de rentabilité, je l’espère, d’ici décembre. On apprend vraiment de ses erreurs, et c’est ce que j’essaye de transmettre comme message aux entrepreneurs que j’accompagne.

P.C-D : Partager votre expérience, c’est important pour vous ?

V.B : Je me suis bien fait accompagner pour la liquidation de Liva, et je voulais transmettre ce qu’on m’a apporté. Aujourd’hui, j’accompagne des entrepreneurs au Village by CA : dès qu’il y a des conflits d’associés, on les renvoie vers moi. Rebondir est quelque chose de très difficile – une entreprise, c’est comme un bébé, et quand elle disparaît, il faut en faire le deuil. D’autant que, si créer une entreprise se fait en quelques clics sur le web, la liquider est beaucoup plus long et compliqué. Mais comme à vélo, il faut tout de suite remonter sur la selle. Ce n’était pas facile de créer une nouvelle boîte en faisant le deuil de la précédente, j’ai d’ailleurs gardé une certaine distance émotionnelle avec i-lunch au départ, mais ce nouveau concept m’a portée, et aujourd’hui je suis complètement épanouie. Quand on touche le fond, on ne peut que remonter la pente. Il faut néanmoins bien s’entourer, et préserver sa vie personnelle.

(…)